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Aux portes de la Touraine

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Les sculptures de l’étrange
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La carte des idées de balades aux portes de la Touraine

Eglise Notre-Dame de Coussay-les-Bois à 60 minutes et 85 km au sud de Tours

À l’intérieur l’église Notre-Dame surprend encore : elle est la seule église du Poitou, avec celle de Fontevraud (diocèse de Poitiers jusqu’à la Révolution) dont la nef soit couverte de coupoles. La nef avait sans doute été prévue initialement comme charpentée. Puis, peut-être sous l’influence de Fontevraud qui avait fondé à La Puye un important prieuré, on implanta des piles contre les murs pour supporter les coupoles. 

Curieusement, c’est en m’intéressant à Yolande d’Aragon, la prodigieuse belle-mère du Dauphin, qui monta de toutes pièces l’Affaire Jeanne d’Arc et qui possédait le château de Baugé, que je me suis heurté au mystère des “clochers tors”. En effet, à quelques lieues au nord de Saumur, il existe cinq églises, dont les clochers présentent l’étrange caractéristique d’être littéralement “vrillés”.
 Disputes de spécialistes

Ces tours énigmatiques sont groupées dans un petit pays charmant – le Baugeois – où s’est également déroulée une célèbre bataille, qui vit l’armée française, sous la conduite du Dauphin, écraser les Anglais, le 22 mars 1421, victoire que les historiens ignorent superbement, Dieu sait pourquoi ?

Les “clochers tors” ont suscité de nombreuses querelles entre spécialistes, se voulant plus informés les uns que les autres. Mais on ne m’enlèvera pas de l’esprit qu’en l’occurrence, certains silences se révèlent particulièrement éloquents si j’ose dire ! En fait, nul ne connaît la vraie raison de ces remarquables anomalies, qui marquent le paysage, mais ne retiennent guère l’attention des cohortes d’automobilistes survoltés. Jusqu’ici, quantité de chercheurs ont en vain tenté de percer le secret de ces insolites architectures. D’après certaines statistiques, il existerait 79 clochers “tordus” en Europe – 35 en France, 19 en Allemagne, 8 en Autriche, 8 en Belgique, 3 en Angleterre, 2 au Danemark, 1 en Italie et 3 en Suisse – dont l’immense majorité se présente sous forme octogonale. Sur le total, 46 flèches “tournent” de gauche à droite, alors que 26 “virent” de droite à gauche. Et l’ensemble de ces mouvements giratoires ne dépasse jamais le huitième de tour, ce qui – sur pareille hauteur – ne représente qu’un pourcentage marginal, suffisant pourtant pour retenir l’intérêt d’un observateur moyen.

Où est la vérité ?

Les méthodes restrictives, voire ésotériques, utilisées jadis pour la coupe et le séchage des bois, n’ont nullement empêché les charpentes de “vriller”, pas plus d’ailleurs que les procédés modernes, qui permettent d’abattre des arbres quasi en toutes saisons et d’utiliser des poutres à peine sciées. On notera qu’il existe des “tordus” de tous les âges. Il va de soi que les villageois, voyant leur clocher prendre de curieuses allures, ont échafaudé de truculentes légendes. Presque chaque bourg possède la sienne. L’imagination populaire s’y donne libre cours et la plupart d’entre elles évoquent la main des fées ou tournent autour de facéties du diable, qui aurait – pour de multiples raisons – mis à mal l’édifice religieux local. D’autres font état de noces où, pour mieux contempler la fête, la flèche se serait courbée et le Ciel aurait éternellement puni sa curiosité… Plus intéressante serait l’influence du vent, qui aurait exercé une sorte de torsion, à force de souffler dans la même direction. Cette hypothèse me semble bien hasardeuse et ne s’expliquerait que dans le cas de charpentes légères et fragiles… et encore! Quant au bois trop frais – qui se tord de gauche à droite en vieillissant – il ne résoud pas tous les problèmes, il s’en faut de beaucoup. D’aucuns ont évoqué la pluie, à la suite de la perte d’ardoises, d’autres ont prétendu que certains charpentiers “arrosaient” un peu trop leur ouvrage… sur place! Tout ceci reste, bien entendu, à démontrer. Un “ésotéricien” imaginatif s’est donné bien du mal à élaborer une thèse farfelue, mettant à contribution la Lune et ses pouvoirs attractifs et magiques!
 

Les Compagnons

A mon modeste avis – si quelque phénomène a pu se produire dans l’un ou l’autre cas pour l’une des raisons ci-dessus invoquées – l’œuvre géniale des “clochers tors” revient aux Compagnons et à eux seuls. Dans un domaine aussi complexe que la charpente, il est exclu d’attribuer à d’autres qu’à des spécialistes, détenteurs de secrets immémoriaux, une œuvre d’une aussi grande exigence, doublée d’une invraisemblable régularité. Certaines de ces flèches ont pu se courber ou s’affaisser sous le poids des ans ou la violence des éléments (comme celle du clocher de Plougrescant que nous avons montrée dans le N° 41 de Science & Magie). Mais qu’un clocher devienne “tors” se révèle autrement difficile. On en connaît qui sont “vrillés” jusqu’à mi-course, puis droits ensuite. Du grand art ! Par leur dextérité, les Compagnons du Bois ont voulu montrer à tout un chacun qu’il n’est rien d’impossible à celui qui – possédant des procédés de fabrication réservés à une toute petite élite – est en mesure de réaliser ce que le vulgaire ne songera même pas à comprendre… (Sylvio Curmondo)

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