Le GRAND HOTEL DE LA BOULE D’OR
Non loin de la rue Nationale s’étendait jadis l’hôtel dit de “Thomas Bohier” qui avait fait une brillante carrière de secrétaire du Roi, puis de général (des finances). Son mariage avec Catherine Briçonnet, fille du cardinal, l’avait intégré à la grosse bourgeoisie tourangelle. Maire de Tours de 1497 à 1498, il avait souhaité affirmer sa position par une construction prestigieuse, mais on était au plus fort de la spéculation foncière et les terrains disponibles manquaient à l’intérieur des remparts. Thomas Bohier dut procéder au coup par coup. En 1494, il acquiert “deux petites maisons, cours et puits” en bordure de la rue des Halles puis achète ce qui est à vendre, soit cinq maisons avec jardin, et rase tout. Il parvient à faire construire un hôtel entouré de jardins de sorte qu’il peut, sans sortir de chez lui, gagner l’église Saint-Saturnin (où il se fera inhumer avec son épouse). On a présumé que ses relations avec l’Italie, sa fortune, l’admirable réussite du château du Chenonceau construit par lui et sa femme en 1513 lui avait permis de faire de son hôtel tourangeau une demeure exceptionnelle. Hélas, nous ne savons rien ou presque de cette construction, archives et iconographie font cruellement défaut. Avant 1939, subsistaient deux éléments qui avait peut-être fait partie de l’hôtel Bohier. Une salle, considérée sans preuve sérieuses comme la chapelle, avait été transformée en boulangerie (13, rue des Halles).


Les propriétaires avaient su concilier les besoins de leur commerce et le respect de l’architecture. La situation se dégrada quand la boulangerie adjoignit la pâtisserie et ensuite un salon de thé. Les structures étaient restées en place, mais le sol exhaussé depuis des siècles oblitérait l’équilibre des proportions initiales ; en revanche, l’effort entrepris pour restaurer les culots de voûte, peindre et décorer les voûtes n’était peut-être pas une franche réussite. La cheminée située jusqu’en 1935 dans la salle à manger de l’hôtel de la Boule d’Or (29 rue Nationale), par sa décoration et certaines similitudes avec celles de Chenonceau accréditait l’hypothèse d’un propriétaire commun. “Elle est un des rares témoins de la richesse de la décoration intérieure d’une demeure exceptionnelle de la première Renaissance”, écrit J. Guillaume. On la date de 1520.

On explique la quasi disparition de l’hôtel de Bohier, qui aurait été un palais au même titre que celui de Beaune de Semblançay, par l’évolution du goût et la spéculation foncière qui joua au XVIIIe siècle mais avec moins de rigueur qu’auparavant. On sait que, sur une partie de la présumée demeure des Bohier, un nouveau hôtel a surgi, celui de Lefebvre de La Falluère.
De construction régulière, il était précédé d’une cour d’honneur. Il est possible que l’ouverture de la rue Nationale ait mordu sur la propriété du côté est. Ce bel hôtel, avec un corps central avancé et deux ailes importantes, formait au rez-de-chaussée une façade de treize baies ou ouvertures au midi, remarquable par ses proportions et sa simplicité. Au premier étage, l’accent était mis sur le corps central ouvrant par une seule fenêtre de plein cintre, ornée au sommet d’une sorte de coquille et d’un décor de “feuille de chou”, le tout surmonté d’un vigoureux fronton triangulaire. Plus tard, peut-être l’hôtel fut-il doté d’une aile perpendiculaire à l’ensemble sur le côté ouest.
Avant 1940, l’hôtel était pratiquement invisible, masqué de la rue des Halles par un bâtiment assez haut qui comprenait au rez-de-chaussée un magasin de confection et la célèbre boulangerie-patisserie, et à l’étage, des appartements. Le manque de recul empêchait toute photographie de cet ensemble du XVIIIe siècle.


